Les problèmes du tournoi de physique sont volontairement ouverts, avec peu ou pas de références bibliographiques sur le sujet. C’est l’un des points-clés de ce tournoi qui plaît autant aux étudiants qu’aux enseignants et chercheurs qui les encadrent. Une façon complètement nouvelle d’aborder les travaux pratiques avec des étudiants, ou le schéma apprenant/apprenti est bouleversé et laisse place à des scientifiques plus moins expérimentés devant un problème inconnu.
Un sujet, basé sur un jeu grand public semblable aux figures éphémères de dominos a attiré particulièrement l’attention cette année : il s’agit de l’onde cobra. En plaçant selon une configuration particulière des bâtonnets d’esquimau, on peut créer une maillage sous tension, qui explose lorsqu’on relâche le dernier maillon de la chaîne. Mais ce qui attire l’œil et marque les esprits, c’est qu’un phénomène supplémentaire s’observe : en plus de voir une éjection des bâtonnets due à une transformation d’énergie de torsion en énergie cinétique, le réseau se soulève, à l’image d’un serpent qui se cabre ! Naturellement, ce problème a trouvé sa place dans les 17 problèmes du tournoi international de physique de 2016.
Toutes les équipes du tournoi ont travaillé sur ce projet, produisant des résultats plus ou moins avancés. Néanmoins, certains encadrants restèrent sur leur fin : quatre mois de travaux pratiques n’ont pas suffis pour bien assimiler le mécanisme sous-jacent à ce mécanisme. Et un phénomène qui résiste, c’est un phénomène qui mérite qu’on le mette à jour, et qu’on le raconte dans un billet ou un article scientifique.
D’un côté, l’un des team leaders de l’équipe de l’ENS Ulm et des chercheurs de l’École polytechnique, et de l’autre l’équipe étudiante de l’ENS Lyon encadrée par ses trois team leaders ont publié chacun un article décrivant ce phénomène. Le premier est sorti il y a un mois dans Physical Review Letters (lien), et le second vient de paraître dans l’American Journal of Physics (ici). Le journaliste scientifique David Larousserie de Le Monde ayant déniché ces publications, leur a demandé une interview, et cette onde cobra s’est retrouvée propulsée dans un medium grand public (article) !
Et ces publications scientifiques sont loin d’être les seules : d’autres articles de l’équipe lyonnaise sont lisibles dans l’American Journal of Physics, tandis qu’un nouveau journal aux éditions EDP Sciences dédié aux étudiants et à des projets expérimentaux originaux est en train de se lancer (Emergent Scientist). Rien de surprenant si l’éditeur-en-chef du journal Daniel Suchet, était aussi organisateur du tournoi de physique français et a contribué fortement à le développer pendant plusieurs années. De beaux jours s’ouvrent pour une rénovation en profondeur des travaux pratiques en physique, qui s’éloignent d’un cadre exclusivement cadré, vers une vraie formation à la recherche pouvant mener à une publication scientifique.